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Chronique 57 - Voeux et discours électoraux : gare au rappel à la réalité Vœux et discours de campagne électorale sont de même nature : ce sont des tentatives d’empathie. Ces instants restent souvent dans la superficialité alors qu’ils pourraient constituer de nouveaux départs vers de nouveaux horizons. Petite grille de lecture pour une année électorale…

La tradition des vœux de nouvel an est l’occasion de marquer notre intérêt pour ceux auxquels nous tenons, de confirmer et renforcer nos liens. Quant au discours électoral, il énonce une idée, voire un programme.

L’objectif est le même : obtenir l’accord et le soutien de ceux auxquels on s’adresse. Dans les deux cas, il s’agit d’affirmer une posture intellectuelle, une aspiration à un idéal, un espoir d’un avenir meilleur. Cela reste un exercice conceptuel et non un exercice pratique. Or, il ne faut confondre le dire et le faire : formuler une idée ne suffit à la faire advenir. Car il y a loin du rêve à la réalité, de la coupe aux lèvres, de l’idée individuelle ou du programme partisan, à la réussite collective et la satisfaction collective.


Nous pouvons et devons distinguer trois types de vœux :


1) Le souhait : fait écho à l’espoir d’une vie meilleure, d’un monde meilleur. L’émetteur montre l’attention qu’il porte à ses interlocuteurs. Le discours de type je souhaite ou je veux vise à s’attirer les sympathies des destinataires, à les sensibiliser, voire leur donner envie. Il marque une envie de préserver, voire créer une relation. Dans l’émotion, ce genre de message reste pur, détaché des contingences, à l’orée du domaine de la bonne intention, abstraite et générale, sans rapport avec le réel. Dans ce cas, en toute-puissance virtuelle, l’émetteur se positionne en séducteur et s’autorise tout, sans limite concrète. En retour, le récepteur peut être happé par l’idéal qui lui est proposé.
Mais si la motivation opère, le rappel à la réalité peut par suite s’avérer douloureux. Au contraire, s’il est familier de l’exercice, le message glisse sur lui et il n’y répond que par courtoisie. La réalisation de ce type de souhait relève bien sûr du hasard.

  • Dans le théâtre politique, que le candidat s’annonce comme le champion d’une France forte (de Gaulle), de la force tranquille (Mitterrand), de la fracture sociale (Chirac), du pouvoir d’achat (Sarkozy), de l’anti finance (Hollande) ou encore du printemps (Macron), il prépare la montée du mécontentement pendant son mandat s’il est élu, et la montée de l’abstention lors de l’élection suivante.
  • Dans l’entreprise, les accidents économiques finissent toujours par, un jour, donner tort aux dirigeants qui annoncent des lendemains qui chantent. Ils sont alors remplacés par d’autres… qui adoptent souvent le même comportement et reproduisent la même mécanique d’affaissement progressif de la légitimité des décideurs.

2) L’Engagement : l’émetteur conscient des limites de l’exercice du seul vœu pieu d’un monde meilleur, le complète d’un engagement personnel dans son accomplissement. Aussi, il énonce un diagnostic et une décision, un problème et une action, voire un plan d’action pour le résoudre. Ce type de message produit un niveau de satisfaction immédiat s’il répond aux attentes des récepteurs.
Mais ensuite, la mise en œuvre du projet développe de l’insatisfaction, car les résultats ne sont toujours qu’en partie obtenus. Les contraintes pratiques s’avèrent en effet bien plus complexes qu’en théorie. De plus, le contexte en évolution continue amène à amender le projet, voire parfois à même l’abandonner. Ainsi, les promesses sont rarement tenues par le décideur et leurs impacts escomptés rarement constatés dans leur entièreté. Ainsi, le décalage entre le discours et les actes engendre l’éloignement entre dirigeants et dirigés. Au point que celui qui a donné sa parole doive s’effacer pour la tenir !

  • Sur la scène politique, la publication d’un programme répond à cette nécessité de paraître concret. Cependant, comme leur nom l’indique, les professions de foi ne sont pas des engagements. Car la société en transformation n’est pas la même en début et en fin de mandat. De plus, aucun candidat ne détient le génie inné de la maîtrise des dossiers qu’il découvre en prenant ses fonctions : il lui faut donc repenser et adapter son programme.
  • Dans le monde professionnel, les réunions de vœux annuels sont l’occasion de la présentation de bilans et perspectives. Mais le repère principal des projets de la grande entreprise est celui de son cours de bourse, donc de ses résultats trimestriels. Difficile de faire vibrer avec une perspective de si court terme, d’autant plus que les aléas des marchés les remettent en cause d’un jour à l’autre. Quant à la plus petite entreprise, il lui est bien souvent difficile de se projeter avec clairvoyance dans un avenir qu’elle ne discerne guère mieux qui quiconque.

3) La responsabilité : pour prendre acte des aléas de la complexité du monde, la solution sérieuse consiste à impliquer les acteurs dans la recherche collective des conditions du progrès au service du plus grand nombre. Il s’agit alors de tenter d’activer leurs forces non pas seulement physiques, mais aussi intellectuelles. Car une solution n’est durable que si elle embrasse l’ensemble des paramètres qui forment un problème dans sa globalité. Aussi, il faut non plus seulement un plan d’actions, mais un plan d’interactions entre toutes les parties prenantes, pour faire en sorte que chacun accède à toutes les informations en provenance de toutes les sources. Pour que le messager soit aussi vecteur d’accomplissement en pratique, il doit donc se comporter en humaniste pragmatique non pas seulement lors de la rédaction du message, mais aussi pendant tout le déploiement du projet qu’il propose. Il devient alors un transformateur social qui rompt avec la facilité du discours pour assumer la complexité de la méthode de co-construction permanente de diagnostics et de projets à grande échelle.

  • En politique, cela suppose d’en finir avec les grandes messes de type « Grenelle » qui accouchent en quelques jours, avec quelques-uns, d’un long catalogue de mesures incompatibles entre elles, de renoncer à de pseudos « Grands débats » dans lesquels un dirigeant répond lui-même à toutes les questions et même d’abolir les « Conventions citoyennes » qui n’engagent que la minuscule fraction de la population qu’elles impliquent.
  • Dans l’entreprise, cela suppose d’adopter un mode managérial qui repose sur une animation interactive de toutes les réunions et tous les projets, à tous les étages et dans tous les compartiments de l’organisation.

Certes, il faut poursuivre la tradition de formulation de visions positives formulée à l’occasion des vœux de nouvel an et pendant les campagnes électorales. Mais il faut saisir ces instants pour évaluer la sincérité des émetteurs. Des candidats aux plus hautes fonctions jusqu’aux proches parents et amis, en passant par les dirigeants d’entreprise, c’est le moment de s’engager et vérifier l’engagement responsable dans de nouvelles relations sociales, humaines et politiques.

Pour la nouvelle année qui s’ouvre et toutes les prochaines : souhaitons-nous des démarches participatives dignes de ce nom. Alors, chacun pourra chercher les conditions pratiques de l’émergence d’un meilleur accomplissement de sa personne, de son entreprise et de la société dans son ensemble ! Rêvons d’une France qui active enfin son éthos : la capacité des français à penser !

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Chronique du 01/01/2022

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